FR EN
Retour
26 février 2019 Actualités PUBLICATIONS

Les leviers juridiques de la procédure d’abandon manifeste

La procédure en état d’abandon manifeste est aujourd’hui engagée à l’initiative du maire de la commune. Avant l’intervention de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, le maire agissait uniquement à la demande du conseil municipal. La modification de l’article L. 2243-1 du CGCT à ce sujet a permis de simplifier et d’accélérer la procédure. Cet outil peut se révéler intéressant pour obtenir du foncier nécessaire aux opérations d’aménagement des collectivités.

Quels sont les biens concernés par une telle procédure ?

Selon l’article L. 2243-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), la procédure s’applique aux immeubles, voies privées assorties d’une servitude de passage public, installations et terrains sans occupant à titre habituel et qui ne sont manifestement plus entretenus, et, obligatoirement situés à l’intérieur du périmètre d’agglomération d’une commune.

L’article L. 2243-1-1 du CGCT issu de la loi Élan du 3 novembre 2018 permet désormais d’engager cette procédure d’une partie d’un immeuble situé dans le périmètre d’une opération de revitalisation de territoire lorsque des travaux ont condamné l’accès à cette partie. En pratique, cet ajout permet de faire entrer dans le périmètre de la procédure des locaux inutilisés et inaccessibles en étage lorsque le propriétaire en a condamné les issues.

La différence entre abandon manifeste et biens laissés vacants et sans maître

Un bien en état d’abandon peut également faire l’objet d’une procédure d’acquisition de bien sans maître. La commune peut se porter acquéreur d’un bien sans maître lorsque le propriétaire est décédé depuis plus de 30 ans et dont les héritiers n’ont pas accepté la succession durant cette période ou qu’il n’existe pas de propriétaire connu et les taxes foncières n’ont pas été acquittées depuis plus de trois ans. À l’issue de la procédure, la commune devient gratuitement propriétaire ce qui n’est pas le cas des biens en état d’abandon manifeste.

Le déroulement de la procédure

La procédure est donc aujourd’hui engagée à l’initiative du maire de la commune.

1. Après qu’il a été procédé à la détermination de la parcelle en état d’abandon et à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres intéressés, la procédure s’ouvre par la constatation par le maire de la commune de l’état d’abandon manifeste d’une parcelle dans un procès-verbal provisoire. Le procès-verbal provisoire doit indiquer la nature des désordres affectant le bien et auxquels il convient de remédier pour faire cesser l’état d’abandon.

À ce sujet, le tribunal administratif d’Orléans a jugé que le procès-verbal provisoire qui se bornait à constater que le terrain était en friche et servait d’entrepôt pour des matériaux usagés n’établissait pas de manière assez convaincante que le terrain se trouvait en état d’abandon manifeste ; le propriétaire était donc fondé à demander son annulation. Selon ce même arrêt, le procès-verbal qui n’indiquait pas la nature des travaux indispensables pour faire cesser l’état d’abandon pouvait être annulé (TA Orléans, 16 février 1993, Bissonnet contre Commune de Saint-Gondon).

Le procès-verbal provisoire doit être affiché pendant trois mois à la mairie et sur les lieux concernés (avant l’intervention de la loi Alur de 2014, ce délai était de six mois). Il doit être inséré dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département. Il doit bien évidemment être notifié aux propriétaires et aux titulaires de droits réels sur le bien.

2. À l’issue du délai de trois mois, le maire dresse un procès-verbal définitif d’abandon manifeste de la parcelle. Un tel procès-verbal ne peut pas être dressé si au cours du délai de trois mois, les propriétaires ont mis fin à l’état d’abandon ou s’ils se sont engagés, par convention avec le maire, à effectuer les travaux propres à mettre fin à cet état. Si les travaux ne sont pas réalisés dans les conditions définies par la convention et dans le délai fixé, la procédure pourra être reprise. Ceci évite les commencements de travaux dans le seul but d’échapper à la procédure d’abandon manifeste.

Ainsi, lorsque les interventions entreprises ont été rapidement interrompues et que la commune n’a manifesté aucun accord, même implicite, à l’établissement d’un nouveau calendrier de réalisation des travaux, alors les propriétaires ne sont pas fondés à soutenir que la délibération du conseil municipal décidant d’engager la procédure d’expropriation est entachée d’illégalité (CAA de Douai, n° 16DA00830, 13 septembre 2018).

3. La décision finale appartient au conseil municipal qui doit décider s’il y a lieu de déclarer la parcelle en état d’abandon manifeste et d’en poursuivre l’expropriation. Le bénéficiaire de cette expropriation peut être soit la commune, soit, depuis la loi du 23 juin 2011, un organisme ou un concessionnaire d’une opération d’aménagement. La décision du conseil municipal doit indiquer le but de l’expropriation qui peut intervenir soit en vue de la construction ou de la réhabilitation aux fins d’habitat soit en vue de tout objet d’intérêt collectif relevant d’une opération de restauration, de rénovation ou d’aménagement.

La décision du conseil municipal doit être motivée. Ainsi, la Cour administrative d’appel de Douai a jugé, dans une décision du 11 décembre 2013, que le conseil municipal qui se borne à reproduire certaines dispositions du Code général des collectivités territoriales ne fournit pas les moyens de connaître la destination qu’il a entendu déterminer pour la parcelle, la délibération n’est donc pas suffisamment motivée.

Le projet ne peut être déclaré d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d’ordre social ou l’atteinte à d’autres intérêts publics qu’il comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’il présente. Il s’agit des règles habituelles applicables à la procédure d’expropriation.

4. Vient ensuite la procédure d’expropriation des biens déclarés en état manifeste d’abandon. Elle a été totalement remaniée par la loi du 23 juin 2011 et est aujourd’hui codifiée à l’article L. 2243-4 du CGCT. Le maire constitue un dossier présentant le projet simplifié d’acquisition publique ainsi qu’une évaluation sommaire de son coût qui est mis à la disposition du public pendant au moins un mois. Le public peut présenter ses observations dans les conditions définies par le conseil municipal.

Le préfet du département prononce ensuite la déclaration d’utilité publique du projet et la déclaration de cessibilité des biens concernés. L’arrêté du préfet contient les mentions obligatoires prévues par l’article L. 2243-4 du CGCT et doit être publié au recueil des actes administratifs, affiché à la mairie, et notifié aux propriétaires et titulaires de droits réels.

L’autorité expropriante poursuit ensuite la procédure d’expropriation prévue par le Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dans le mois qui suit la prise de possession. Une indemnité est versée au propriétaire dont le montant peut être fixé, en cas de contestation, par le juge judiciaire.

En définitive, cette procédure permet aux collectivités de bénéficier d’un outil supplémentaire pour obtenir le foncier nécessaire à la réalisation de leurs opérations d’aménagement. Mais ce n’est pas le seul, naturellement, comme la procédure de bien vacant et sans maître. Cette procédure nécessite au préalable de définir précisément et suffisamment à l’avance le projet de la collectivité afin définir si cette procédure est bien adaptée aux besoins de la collectivité.

Retrouvez l’article rédigé par Muriel FAYAT  et paru sur sur le site  Weka – Février 2019  : ici

Retour
PUBLICATIONS 26 février 26Actualités

Les leviers juridiques de la procédure d’abandon manifeste

La procédure en état d’abandon manifeste est aujourd’hui engagée à l’initiative du maire de la commune. Avant l’intervention de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, le maire agissait uniquement à la demande du conseil municipal. La modification de l’article L. 2243-1 du CGCT à ce sujet a permis de simplifier et d’accélérer la procédure. Cet outil peut se révéler intéressant pour obtenir du foncier nécessaire aux opérations d’aménagement des collectivités.

Quels sont les biens concernés par une telle procédure ?

Selon l’article L. 2243-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), la procédure s’applique aux immeubles, voies privées assorties d’une servitude de passage public, installations et terrains sans occupant à titre habituel et qui ne sont manifestement plus entretenus, et, obligatoirement situés à l’intérieur du périmètre d’agglomération d’une commune.

L’article L. 2243-1-1 du CGCT issu de la loi Élan du 3 novembre 2018 permet désormais d’engager cette procédure d’une partie d’un immeuble situé dans le périmètre d’une opération de revitalisation de territoire lorsque des travaux ont condamné l’accès à cette partie. En pratique, cet ajout permet de faire entrer dans le périmètre de la procédure des locaux inutilisés et inaccessibles en étage lorsque le propriétaire en a condamné les issues.

La différence entre abandon manifeste et biens laissés vacants et sans maître

Un bien en état d’abandon peut également faire l’objet d’une procédure d’acquisition de bien sans maître. La commune peut se porter acquéreur d’un bien sans maître lorsque le propriétaire est décédé depuis plus de 30 ans et dont les héritiers n’ont pas accepté la succession durant cette période ou qu’il n’existe pas de propriétaire connu et les taxes foncières n’ont pas été acquittées depuis plus de trois ans. À l’issue de la procédure, la commune devient gratuitement propriétaire ce qui n’est pas le cas des biens en état d’abandon manifeste.

Le déroulement de la procédure

La procédure est donc aujourd’hui engagée à l’initiative du maire de la commune.

1. Après qu’il a été procédé à la détermination de la parcelle en état d’abandon et à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres intéressés, la procédure s’ouvre par la constatation par le maire de la commune de l’état d’abandon manifeste d’une parcelle dans un procès-verbal provisoire. Le procès-verbal provisoire doit indiquer la nature des désordres affectant le bien et auxquels il convient de remédier pour faire cesser l’état d’abandon.

À ce sujet, le tribunal administratif d’Orléans a jugé que le procès-verbal provisoire qui se bornait à constater que le terrain était en friche et servait d’entrepôt pour des matériaux usagés n’établissait pas de manière assez convaincante que le terrain se trouvait en état d’abandon manifeste ; le propriétaire était donc fondé à demander son annulation. Selon ce même arrêt, le procès-verbal qui n’indiquait pas la nature des travaux indispensables pour faire cesser l’état d’abandon pouvait être annulé (TA Orléans, 16 février 1993, Bissonnet contre Commune de Saint-Gondon).

Le procès-verbal provisoire doit être affiché pendant trois mois à la mairie et sur les lieux concernés (avant l’intervention de la loi Alur de 2014, ce délai était de six mois). Il doit être inséré dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département. Il doit bien évidemment être notifié aux propriétaires et aux titulaires de droits réels sur le bien.

2. À l’issue du délai de trois mois, le maire dresse un procès-verbal définitif d’abandon manifeste de la parcelle. Un tel procès-verbal ne peut pas être dressé si au cours du délai de trois mois, les propriétaires ont mis fin à l’état d’abandon ou s’ils se sont engagés, par convention avec le maire, à effectuer les travaux propres à mettre fin à cet état. Si les travaux ne sont pas réalisés dans les conditions définies par la convention et dans le délai fixé, la procédure pourra être reprise. Ceci évite les commencements de travaux dans le seul but d’échapper à la procédure d’abandon manifeste.

Ainsi, lorsque les interventions entreprises ont été rapidement interrompues et que la commune n’a manifesté aucun accord, même implicite, à l’établissement d’un nouveau calendrier de réalisation des travaux, alors les propriétaires ne sont pas fondés à soutenir que la délibération du conseil municipal décidant d’engager la procédure d’expropriation est entachée d’illégalité (CAA de Douai, n° 16DA00830, 13 septembre 2018).

3. La décision finale appartient au conseil municipal qui doit décider s’il y a lieu de déclarer la parcelle en état d’abandon manifeste et d’en poursuivre l’expropriation. Le bénéficiaire de cette expropriation peut être soit la commune, soit, depuis la loi du 23 juin 2011, un organisme ou un concessionnaire d’une opération d’aménagement. La décision du conseil municipal doit indiquer le but de l’expropriation qui peut intervenir soit en vue de la construction ou de la réhabilitation aux fins d’habitat soit en vue de tout objet d’intérêt collectif relevant d’une opération de restauration, de rénovation ou d’aménagement.

La décision du conseil municipal doit être motivée. Ainsi, la Cour administrative d’appel de Douai a jugé, dans une décision du 11 décembre 2013, que le conseil municipal qui se borne à reproduire certaines dispositions du Code général des collectivités territoriales ne fournit pas les moyens de connaître la destination qu’il a entendu déterminer pour la parcelle, la délibération n’est donc pas suffisamment motivée.

Le projet ne peut être déclaré d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d’ordre social ou l’atteinte à d’autres intérêts publics qu’il comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’il présente. Il s’agit des règles habituelles applicables à la procédure d’expropriation.

4. Vient ensuite la procédure d’expropriation des biens déclarés en état manifeste d’abandon. Elle a été totalement remaniée par la loi du 23 juin 2011 et est aujourd’hui codifiée à l’article L. 2243-4 du CGCT. Le maire constitue un dossier présentant le projet simplifié d’acquisition publique ainsi qu’une évaluation sommaire de son coût qui est mis à la disposition du public pendant au moins un mois. Le public peut présenter ses observations dans les conditions définies par le conseil municipal.

Le préfet du département prononce ensuite la déclaration d’utilité publique du projet et la déclaration de cessibilité des biens concernés. L’arrêté du préfet contient les mentions obligatoires prévues par l’article L. 2243-4 du CGCT et doit être publié au recueil des actes administratifs, affiché à la mairie, et notifié aux propriétaires et titulaires de droits réels.

L’autorité expropriante poursuit ensuite la procédure d’expropriation prévue par le Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dans le mois qui suit la prise de possession. Une indemnité est versée au propriétaire dont le montant peut être fixé, en cas de contestation, par le juge judiciaire.

En définitive, cette procédure permet aux collectivités de bénéficier d’un outil supplémentaire pour obtenir le foncier nécessaire à la réalisation de leurs opérations d’aménagement. Mais ce n’est pas le seul, naturellement, comme la procédure de bien vacant et sans maître. Cette procédure nécessite au préalable de définir précisément et suffisamment à l’avance le projet de la collectivité afin définir si cette procédure est bien adaptée aux besoins de la collectivité.

Retrouvez l’article rédigé par Muriel FAYAT  et paru sur sur le site  Weka – Février 2019  : ici