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23 septembre 2018 Actualités

Pour la cour de cassation, la transmission par voie postale de la déclaration d’appel ne satisfait pas aux exigences d’une remise efficace

Entre le 1er août 2016 et le 11 mai 2017 la déclaration d’appel prud’homale devait impérativement être physiquement remise au greffe, c’est du moins ce que nous rappelle un récent arrêt (6 septembre 2018) rendu par la deuxième chambre de la cour de cassation (Cass. civ. 2, 06-09-2018, n° 17-18.698, F-D ) qui ne manque pas de surprendre par sa sévérité.

Voici de quoi il retourne :

un salarié licencié pour faute lourde a contesté son licenciement devant les prud’hommes de Toulon qui ont statué le 19 août 2016 ;

l’avocat de l’employeur, inscrit à un barreau extérieur à la cour (barreau de Lyon- cour d’Aix en Provence)ne pouvant de ce fait utiliser le RPVA, a adressé sa déclaration d’appel par LRAR du 21 septembre 2016.

Mais la Cour l’a déclaré irrecevable, au motif que « la transmission par voie postale de la déclaration d’appel ne pouvait valoir remise au sens des articles [930-1 et 930-2 du code de procédure civile]  »

puisque  » la déclaration d’appel de Maître Y, si elle pouvait être faite sur support papier, n’avait néanmoins pas été remise physiquement au greffe  » …

Donc pour la cour d’Aix, envoyer au greffe un acte d’appel par LRAR ne vaut rien puisqu’il n’y a pas « remise physique » au greffier …

On pouvait penser que la subtile différence entre une remise physique et une remise postale par LRAR était byzantine et que la cour de cassation y mettrait bon ordre.

L’employeur s’est donc pourvu en cassation en faisant valoir que « l’avocat inscrit au tableau du barreau d’une juridiction située hors du ressort de la cour d’appel devant laquelle il représente une partie, sans postulation, peut faire remettre la déclaration d’appel au greffe de la cour d’appel par lettre recommandée avec demande d’avis de réception »

en soutenant que « l’exigence de remise au greffe de la déclaration d’appel sur support papier n’exclut pas qu’elle soit délivrée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception » et qu’en constatant que « le greffe l’avait reçue avant l’expiration du délai d’appel, la cour d’appel a violé les articles 930-1 du code de procédure civile et 258 de la loi n 2015-990 du 6 août 2015, ensemble l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

L’employeur faisait encore valoir que la saisine de la cour par LRAR était, avant l’entrée en vigueur au 1er août 2016 du décret du 20 mai 2016 instituant la représentation obligatoire devant les cours d’appel en matière prud’homale, l’une des modalités de remise de la déclaration d’appel et qu’il est toujours admis devant la cour d’appel, lorsque la représentation n’est pas obligatoire ;

il faisait enfin valoir que la saisine de la cour par LRAR avait été restaurée à compter du 11 mai 2017 pour le défenseur syndical « et étendu, au 1er septembre 2017, à tous les avocats lorsqu’une cause étrangère les prive d’accès au réseau privé virtuel des avocats » ;

autrement dit, « l’usage d’une lettre recommandée pour relever appel d’un jugement prud’homal n’a été interdit que du 1 août 2016 au 11 mai 2017 », ce dont l’employeur tirait argument pour plaider que ce « formalisme excessif portant atteinte à l’équité de la procédure » (admettant donc que sa procédure était formellement contestable mais pas en équité ).

Or, la haute cour est implacable, estimant que la cour, « ayant par motifs propres et adoptés exactement retenu que l’avocat qui intervient dans une cour d’appel autre que celle dans le ressort dans lequel il est établi, doit dès lors qu’il ne peut recourir à la voie électronique, établir les actes de la procédure sur support papier et que la transmission par voie postale de la déclaration d’appel ne peut valoir remise au sens des articles 930-1 et 930-2 du code de procédure civile dès lors qu’elle ne satisfait pas aux exigences d’une remise efficace parant à toute éventualité devant se prolonger jusqu’aux constatations personnelles du greffier chargé de la restitution immédiate d’un exemplaire mentionnant la date de la remise et comportant son visa » …

On peine à suivre ce raisonnement : ce qui est valable pour toute procédure sans représentation obligatoire ne l’est pas en cas de défaillance du RPVA en cas de représentation obligatoire ?

N’était-il pas plus simple de dire que le texte ne prévoyant pas, à l’époque, d’autre alternative à la signification d’un acte d’appel au greffe via le RPVA, une LRAR était inefficace ?

Le décret du 6 mai 2007 y a de toutes les façons remis bon ordre en prévoyant qu’en cas d’appel par LRAR « Lorsque la déclaration d’appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l’acte à la date figurant sur le cachet du bureau d’émission et adresse à l’appelant un récépissé par tout moyen » ;

Et si vous pensiez avoir lu « que la transmission par voie postale de la déclaration d’appel ne satisfait pas aux exigences d’une remise efficace parant à toute éventualité devant se prolonger jusqu’aux constatations personnelles du greffier », c’est que vous avez l’esprit mal tourné.

Vous voilà prévenu néanmoins : Dura lex sed lex, même en matière réglementaire.

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Pour la cour de cassation, la transmission par voie postale de la déclaration d’appel ne satisfait pas aux exigences d’une remise efficace

Entre le 1er août 2016 et le 11 mai 2017 la déclaration d’appel prud’homale devait impérativement être physiquement remise au greffe, c’est du moins ce que nous rappelle un récent arrêt (6 septembre 2018) rendu par la deuxième chambre de la cour de cassation (Cass. civ. 2, 06-09-2018, n° 17-18.698, F-D ) qui ne manque pas de surprendre par sa sévérité.

Voici de quoi il retourne :

un salarié licencié pour faute lourde a contesté son licenciement devant les prud’hommes de Toulon qui ont statué le 19 août 2016 ;

l’avocat de l’employeur, inscrit à un barreau extérieur à la cour (barreau de Lyon- cour d’Aix en Provence)ne pouvant de ce fait utiliser le RPVA, a adressé sa déclaration d’appel par LRAR du 21 septembre 2016.

Mais la Cour l’a déclaré irrecevable, au motif que « la transmission par voie postale de la déclaration d’appel ne pouvait valoir remise au sens des articles [930-1 et 930-2 du code de procédure civile]  »

puisque  » la déclaration d’appel de Maître Y, si elle pouvait être faite sur support papier, n’avait néanmoins pas été remise physiquement au greffe  » …

Donc pour la cour d’Aix, envoyer au greffe un acte d’appel par LRAR ne vaut rien puisqu’il n’y a pas « remise physique » au greffier …

On pouvait penser que la subtile différence entre une remise physique et une remise postale par LRAR était byzantine et que la cour de cassation y mettrait bon ordre.

L’employeur s’est donc pourvu en cassation en faisant valoir que « l’avocat inscrit au tableau du barreau d’une juridiction située hors du ressort de la cour d’appel devant laquelle il représente une partie, sans postulation, peut faire remettre la déclaration d’appel au greffe de la cour d’appel par lettre recommandée avec demande d’avis de réception »

en soutenant que « l’exigence de remise au greffe de la déclaration d’appel sur support papier n’exclut pas qu’elle soit délivrée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception » et qu’en constatant que « le greffe l’avait reçue avant l’expiration du délai d’appel, la cour d’appel a violé les articles 930-1 du code de procédure civile et 258 de la loi n 2015-990 du 6 août 2015, ensemble l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

L’employeur faisait encore valoir que la saisine de la cour par LRAR était, avant l’entrée en vigueur au 1er août 2016 du décret du 20 mai 2016 instituant la représentation obligatoire devant les cours d’appel en matière prud’homale, l’une des modalités de remise de la déclaration d’appel et qu’il est toujours admis devant la cour d’appel, lorsque la représentation n’est pas obligatoire ;

il faisait enfin valoir que la saisine de la cour par LRAR avait été restaurée à compter du 11 mai 2017 pour le défenseur syndical « et étendu, au 1er septembre 2017, à tous les avocats lorsqu’une cause étrangère les prive d’accès au réseau privé virtuel des avocats » ;

autrement dit, « l’usage d’une lettre recommandée pour relever appel d’un jugement prud’homal n’a été interdit que du 1 août 2016 au 11 mai 2017 », ce dont l’employeur tirait argument pour plaider que ce « formalisme excessif portant atteinte à l’équité de la procédure » (admettant donc que sa procédure était formellement contestable mais pas en équité ).

Or, la haute cour est implacable, estimant que la cour, « ayant par motifs propres et adoptés exactement retenu que l’avocat qui intervient dans une cour d’appel autre que celle dans le ressort dans lequel il est établi, doit dès lors qu’il ne peut recourir à la voie électronique, établir les actes de la procédure sur support papier et que la transmission par voie postale de la déclaration d’appel ne peut valoir remise au sens des articles 930-1 et 930-2 du code de procédure civile dès lors qu’elle ne satisfait pas aux exigences d’une remise efficace parant à toute éventualité devant se prolonger jusqu’aux constatations personnelles du greffier chargé de la restitution immédiate d’un exemplaire mentionnant la date de la remise et comportant son visa » …

On peine à suivre ce raisonnement : ce qui est valable pour toute procédure sans représentation obligatoire ne l’est pas en cas de défaillance du RPVA en cas de représentation obligatoire ?

N’était-il pas plus simple de dire que le texte ne prévoyant pas, à l’époque, d’autre alternative à la signification d’un acte d’appel au greffe via le RPVA, une LRAR était inefficace ?

Le décret du 6 mai 2007 y a de toutes les façons remis bon ordre en prévoyant qu’en cas d’appel par LRAR « Lorsque la déclaration d’appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l’acte à la date figurant sur le cachet du bureau d’émission et adresse à l’appelant un récépissé par tout moyen » ;

Et si vous pensiez avoir lu « que la transmission par voie postale de la déclaration d’appel ne satisfait pas aux exigences d’une remise efficace parant à toute éventualité devant se prolonger jusqu’aux constatations personnelles du greffier », c’est que vous avez l’esprit mal tourné.

Vous voilà prévenu néanmoins : Dura lex sed lex, même en matière réglementaire.