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30 mai 2016 Actualités PUBLICATIONS

La création d’un fonds de commerce sur le domaine public est désormais possible

Les dépendances du domaine public sont sources d’insécurité juridique pour les occupants en raison de leur caractère précaire, ce qui ne favorise pas leur valorisation pour les collectivités. La loi Pinel aide les collectivités à mieux valoriser leur domaine en autorisant désormais la création de fonds de commerce sur le domaine public. Néanmoins, certaines questions restent encore en suspens.

« UN FONDS DE COMMERCE PEUT ÊTRE EXPLOITÉ SUR LE DOMAINE PUBLIC SOUS RÉSERVE DE L’EXISTENCE D’UNE CLIENTÈLE PROPRE »

La loi du 18 juin 2014 relative à l’arti­sanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite « Loi Pinel », a créé, par ses articles 71 et 72, la possibilité d’exploiter un fonds de commerce sur le domaine public, et ceci, depuis son entrée en vigueur, le 20 juin 2014. Toutefois, afin de comprendre la portée de cette loi, il est nécessaire de présenter le cadre juri­dique applicable avant son entrée en vigueur, les nouveautés qu’elle a apportées ainsi que les questions qui subsistent.

La situation avant l’entrée en vigueur de la loi Pinel

Le principe était simple : l’exploitation d’un fonds de commerce était formel­lement interdite sur le domaine public. Cette interdiction se justifie par l’antago­nisme existant entre le régime du domaine public et celui du fonds de commerce. En effet, le domaine public est inaliénable. Pour ce motif, les autorisations d’occu­pation privative sont délivrées à titre pré­caire. Elles sont donc révocables à tout moment, incessibles et personnelles. Au contraire, le fonds de commerce est cessible et appartient à l’occupant. Dès lors, l’exploitation d’un fonds de commerce sur le domaine public en contravention de cette interdiction pouvait avoir plusieurs conséquences.

Tout d’abord, la convention d’occupation pouvait être résiliée pour un motif d’intérêt géné­ral sans aucune indem­nisation de l’occupant pour la perte de son fonds de commerce.Il pouvait seulement pré­tendre à l’indemnisation de la perte de bénéfices. Ensuite, en cas de ces­sion du fonds de commerce, l’autorisa­tion d’occupation du domaine public ne pouvait pas être transférée sans l’autori­sation préalable de la collectivité proprié­taire qui pouvait toujours la refuser. Dans ce cas, il était nécessaire de demander une nouvelle autorisation sans aucune assurance pour l’obtenir, l’administra­tion détenant une liberté de choix. Par conséquent, l’exploitation d’un fonds de commerce sur le domaine public n’était pas reconnue avant l’entrée en vigueur de la loi Pinel, ce qui limitait les moyens des collectivités publiques pour valoriser leur domaine public.

Les nouveautés apportées par la loi Pinel

L’article L.2124-32-1 du Code général de la propriété des personnes publiques dis­pose désormais qu’un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l’existence d’une clientèle propre.

Il n’est pas fait référence au domaine public naturel. Dès lors, les concessions de plages, montagnes et domaines fluviaux sont exclues du champ d’application de cet article.

Cette disposition met un terme à la juris­prudence du Conseil d’État qui considé­rait que l’autorisation d’occupation du domaine public ne pouvait donner lieu à la constitution d’un fonds de commerce dont l’occupant serait propriétaire en l’absence de disposition législative contraire.

Une autorisation d’occupation du domaine public peut désormais être délivrée si le fonds de commerce est compatible avec l’affectation du domaine public.

L’existence d’un fonds de commerce devra être précisée dans l’autorisation tempo­raire d’occupation pour garantir les droits du titulaire en cas de cession du fonds de commerce mais également de résiliation anticipée.

Au surplus, les éléments constitutifs du fonds de commerce, comprenant sa clien­tèle propre, à l’origine de sa valorisation devront être identifiés précisément. Néanmoins, la difficulté inhérente à l’ex­ploitation d’un fonds de commerce sur le domaine public est l’existence d’une clientèle propre qui est intrinsèquement étrangère aux usagers du domaine public.

À ce titre, il existe une incertitude sur la posi­tion qu’adoptera le Conseil d’État.

En effet, le juge judiciaire exige pour carac­tériser l’existence d’un fonds de commerce que l’occupant dispose d’une clientèle propre, autonome et indépendante.

Toutefois, cette approche semble difficile­ment conciliable avec les particularités du domaine public.

En effet, les clients des fonds de commerce tels que ceux des restaurants dans les aéro­ports, par exemple, sont avant tout des usa­gers du domaine public qui ne viennent pas en raison de la réputation du restaurant. Dès lors, la preuve d’une clientèle propre et d’une autonomie de gestion de l’occupant semble difficile à apporter.

Enfin, en cas de résiliation avant son terme de l’autorisation d’occupation temporaire pour motif d’intérêt général, l’occupant recevra une indemnité correspondant à la perte des éléments du fonds de commerce si la preuve de l’existence d’une clientèle propre est apportée.

Même si désormais, un fonds de commerce peut être légalement exploité sur le domaine public des précisions restent encore à être apportées sur ce régime.

Les questions irrésolues

Tout d’abord, concernant la cession du fonds de commerce, l’autorisation d’occupation devrait être transmise en même temps que les éléments constituant le fonds de commerce.

Néanmoins, l’article L. 2124-33 du Code général de la propriété des per­sonnes publiques ne semble pas adop­ter cette solution.

En effet, une autorisation de transfert du titre d’occupation devra être sollicitée auprès de l’autorité compétente. L’obtention de cette autorisation constituera vraisem­blablement une condition suspensive à la cession du fonds.

Ce fonctionnement est conforme au prin­cipe d’incessibilité du domaine. Toutefois, les conditions pour justifier un refus du transfert de l’autorisation ne sont pas préci­sément identifiées dans les textes et laissent donc subsister une certaine incertitude sur le traitement de cette situation.

Une autre interrogation existe concernant la valorisation du fonds de commerce sur le domaine public. En effet, aucune réponse n’est apportée tant par les textes que par le juge administratif pour évaluer la valorisa­tion du fonds.

Cependant, le caractère précaire de l’au­torisation d’occupation est à l’origine de l’absence de droit au bail et de maintien dans les lieux à l’échéance de l’autorisation. Dès lors, la valeur du fonds de commerce peut vraisemblablement subir une dépré­ciation progressive à mesure que le terme du titre d’occupation approche. Cette situa­tion est donc préjudiciable aux intérêts de l’occupant et devra être prise en compte dans sa valorisation

En conclusion, la consécration de l’ex­ploitation du fonds de commerce sur le domaine public est une avancée importante tant pour les collectivités publiques, que pour les commerçants, sans pour autant remettre en cause le principe d’inaliénabi­lité du domaine public, contrairement au droit au bail qui reste toujours

 

Article rédigé par Muriel FAYAT et paru dans le magazine Décideurs – Paroles d’Experts, mai 2016

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PUBLICATIONS 30 mai 30Actualités

La création d’un fonds de commerce sur le domaine public est désormais possible

Les dépendances du domaine public sont sources d’insécurité juridique pour les occupants en raison de leur caractère précaire, ce qui ne favorise pas leur valorisation pour les collectivités. La loi Pinel aide les collectivités à mieux valoriser leur domaine en autorisant désormais la création de fonds de commerce sur le domaine public. Néanmoins, certaines questions restent encore en suspens.

« UN FONDS DE COMMERCE PEUT ÊTRE EXPLOITÉ SUR LE DOMAINE PUBLIC SOUS RÉSERVE DE L’EXISTENCE D’UNE CLIENTÈLE PROPRE »

La loi du 18 juin 2014 relative à l’arti­sanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite « Loi Pinel », a créé, par ses articles 71 et 72, la possibilité d’exploiter un fonds de commerce sur le domaine public, et ceci, depuis son entrée en vigueur, le 20 juin 2014. Toutefois, afin de comprendre la portée de cette loi, il est nécessaire de présenter le cadre juri­dique applicable avant son entrée en vigueur, les nouveautés qu’elle a apportées ainsi que les questions qui subsistent.

La situation avant l’entrée en vigueur de la loi Pinel

Le principe était simple : l’exploitation d’un fonds de commerce était formel­lement interdite sur le domaine public. Cette interdiction se justifie par l’antago­nisme existant entre le régime du domaine public et celui du fonds de commerce. En effet, le domaine public est inaliénable. Pour ce motif, les autorisations d’occu­pation privative sont délivrées à titre pré­caire. Elles sont donc révocables à tout moment, incessibles et personnelles. Au contraire, le fonds de commerce est cessible et appartient à l’occupant. Dès lors, l’exploitation d’un fonds de commerce sur le domaine public en contravention de cette interdiction pouvait avoir plusieurs conséquences.

Tout d’abord, la convention d’occupation pouvait être résiliée pour un motif d’intérêt géné­ral sans aucune indem­nisation de l’occupant pour la perte de son fonds de commerce.Il pouvait seulement pré­tendre à l’indemnisation de la perte de bénéfices. Ensuite, en cas de ces­sion du fonds de commerce, l’autorisa­tion d’occupation du domaine public ne pouvait pas être transférée sans l’autori­sation préalable de la collectivité proprié­taire qui pouvait toujours la refuser. Dans ce cas, il était nécessaire de demander une nouvelle autorisation sans aucune assurance pour l’obtenir, l’administra­tion détenant une liberté de choix. Par conséquent, l’exploitation d’un fonds de commerce sur le domaine public n’était pas reconnue avant l’entrée en vigueur de la loi Pinel, ce qui limitait les moyens des collectivités publiques pour valoriser leur domaine public.

Les nouveautés apportées par la loi Pinel

L’article L.2124-32-1 du Code général de la propriété des personnes publiques dis­pose désormais qu’un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l’existence d’une clientèle propre.

Il n’est pas fait référence au domaine public naturel. Dès lors, les concessions de plages, montagnes et domaines fluviaux sont exclues du champ d’application de cet article.

Cette disposition met un terme à la juris­prudence du Conseil d’État qui considé­rait que l’autorisation d’occupation du domaine public ne pouvait donner lieu à la constitution d’un fonds de commerce dont l’occupant serait propriétaire en l’absence de disposition législative contraire.

Une autorisation d’occupation du domaine public peut désormais être délivrée si le fonds de commerce est compatible avec l’affectation du domaine public.

L’existence d’un fonds de commerce devra être précisée dans l’autorisation tempo­raire d’occupation pour garantir les droits du titulaire en cas de cession du fonds de commerce mais également de résiliation anticipée.

Au surplus, les éléments constitutifs du fonds de commerce, comprenant sa clien­tèle propre, à l’origine de sa valorisation devront être identifiés précisément. Néanmoins, la difficulté inhérente à l’ex­ploitation d’un fonds de commerce sur le domaine public est l’existence d’une clientèle propre qui est intrinsèquement étrangère aux usagers du domaine public.

À ce titre, il existe une incertitude sur la posi­tion qu’adoptera le Conseil d’État.

En effet, le juge judiciaire exige pour carac­tériser l’existence d’un fonds de commerce que l’occupant dispose d’une clientèle propre, autonome et indépendante.

Toutefois, cette approche semble difficile­ment conciliable avec les particularités du domaine public.

En effet, les clients des fonds de commerce tels que ceux des restaurants dans les aéro­ports, par exemple, sont avant tout des usa­gers du domaine public qui ne viennent pas en raison de la réputation du restaurant. Dès lors, la preuve d’une clientèle propre et d’une autonomie de gestion de l’occupant semble difficile à apporter.

Enfin, en cas de résiliation avant son terme de l’autorisation d’occupation temporaire pour motif d’intérêt général, l’occupant recevra une indemnité correspondant à la perte des éléments du fonds de commerce si la preuve de l’existence d’une clientèle propre est apportée.

Même si désormais, un fonds de commerce peut être légalement exploité sur le domaine public des précisions restent encore à être apportées sur ce régime.

Les questions irrésolues

Tout d’abord, concernant la cession du fonds de commerce, l’autorisation d’occupation devrait être transmise en même temps que les éléments constituant le fonds de commerce.

Néanmoins, l’article L. 2124-33 du Code général de la propriété des per­sonnes publiques ne semble pas adop­ter cette solution.

En effet, une autorisation de transfert du titre d’occupation devra être sollicitée auprès de l’autorité compétente. L’obtention de cette autorisation constituera vraisem­blablement une condition suspensive à la cession du fonds.

Ce fonctionnement est conforme au prin­cipe d’incessibilité du domaine. Toutefois, les conditions pour justifier un refus du transfert de l’autorisation ne sont pas préci­sément identifiées dans les textes et laissent donc subsister une certaine incertitude sur le traitement de cette situation.

Une autre interrogation existe concernant la valorisation du fonds de commerce sur le domaine public. En effet, aucune réponse n’est apportée tant par les textes que par le juge administratif pour évaluer la valorisa­tion du fonds.

Cependant, le caractère précaire de l’au­torisation d’occupation est à l’origine de l’absence de droit au bail et de maintien dans les lieux à l’échéance de l’autorisation. Dès lors, la valeur du fonds de commerce peut vraisemblablement subir une dépré­ciation progressive à mesure que le terme du titre d’occupation approche. Cette situa­tion est donc préjudiciable aux intérêts de l’occupant et devra être prise en compte dans sa valorisation

En conclusion, la consécration de l’ex­ploitation du fonds de commerce sur le domaine public est une avancée importante tant pour les collectivités publiques, que pour les commerçants, sans pour autant remettre en cause le principe d’inaliénabi­lité du domaine public, contrairement au droit au bail qui reste toujours

 

Article rédigé par Muriel FAYAT et paru dans le magazine Décideurs – Paroles d’Experts, mai 2016

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